« Pour la dernière fois, dit Hal. Fais demi-tour, monte dans ta caisse et oublie-moi, ou je te jure, Clayton, que je balance ton cadavre dans le ravin en pâture aux ratons laveurs.
Clayton n'entendit pas vraiment la menace car il essayait de se rappeler quand son frère l'avait appelé par son prénom pour la dernière fois. Ça remontait à l'époque où ils étaient gamins. Il soutint le regard de Halford et n'y vit rien d'autre qu'une rage vaine qui bouillonnait comme les nuages noirs que les vieillards avaient dû voir.
[ … ] Hal était toujours le mec qui pouvait s'asseoir et siffloter tranquillement pendant que ses ennemis étaient en train de brûler vifs attachés à un arbre à cinq mètres de lui. Clayton était presque prêt à croire que son frère pourrait le tuer lui aussi. »
26 chapitres
valsés presque sur un pas en avant, l'autre en arrière. Une valse
temporelle sombre et poisseuse que les habitants de Bull Mountain
commencent pour vous en 1949 sous la houlette d'un narrateur
omniscient qui dirige l'orchestre d'une main de maître.
26 chapitres
qui, de décennie en décennie, laissent tomber les linceuls qui
enveloppent le clan Bourroughs depuis le crime originel qui aura
fait d'eux une lignée maudite.
Un seul
parmi eux a eu le courage d'essayer de briser les chaînes :
Clayton Burroughs, dernier de la lignée. C'était sans compter avec
la malédiction irréversible qu'un fratricide impose à la famille
qui en est frappée.
Clayton est
devenu shérif dans la vallée surplombée par la montagne où ses
frères, comme auparavant leur père et leur grand-père, règnent en
maîtres tout-puissants. Le trafic d'alcool a seulement été
remplacé depuis par celui de cannabis et de méthamphétamines. Les
Burroughs et leurs sujets forment une petite armée autogérée. Leur
came se déverse sur plusieurs états, leurs partenaires privilégiés
se trouvent en Floride. Personne ne touche aux Burroughs, encore
moins le frère qui a choisi le camp ennemi.
« Parce que tu crois que je suis venu pour papoter ? J'en ai fini de parler avec toi. La seule raison pour laquelle tu es encore dans cette vallée à jouer au shérif, c'est parce que je le permets. Si tu es encore en vie, c'est parce que je le permets. Tu penses avoir du pouvoir ? Tu penses que tu peux me la faire à l'envers ? T'as pas idée du pétrin dans lequel tu t'es fourré, frérot. »
Naître
et grandir dans une pareille famille ne vous laisse pas en sortir
indemne. Clayton arrive à maintenir un équilibre assez précaire
grâce, entre autres, à Kate, sa femme, une belle femme coriace qui
est déterminée à faire suivre une autre route à l'éventuel
prochain descendant Burroughs. Comme tous les hommes dans sa famille,
Clayton a l'alcool mauvais. Mais il arrive à rompre même ce lien
malté et le jour où nous le rencontrons, cela fait un an qu'il
préserve son abstinence.
Simon
Holly, agent de l'ATF, débarque un jour dans le bureau du shérif
pour lui laisser entendre qu'il y aurait une possibilité de faire
sortir de la course le dernier frère Burroughs en vie, sans trop de
casse. A Clayton de se charger des négociations.
Sur
ce premier plan narratif situé en 2015, se greffent des flash-back
qui déconstruisent le passé des Burroughs jusqu'à ce que nous,
lecteurs, soyons en mesure de le reconstruire pour mieux saisir les
enjeux du présent.
Rye,
Cooper, Gareth, Halford, Clayton, autant de branches sur un tronc
pourri par la racine. La question est : y a-t-il une possibilité
de rédemption ? Comment dépasser sa condition lorsqu'elle est
marquée par le sceaux du péché originel ?
En
lisant ce roman, ces questions tourneront sans cesse dans votre tête
parce qu'ici tout a un sens et plus vous avancerez dans la lecture,
plus vous comprendrez la profondeur de ce sens.
Bull
Mountain est un roman d'une noirceur magistrale. Brian Panowich a
très bien fait de se mettre à l'écriture, son talent est
indiscutable. On a dû le lui faire savoir d'ailleurs, il est en
train de préparer la suite de ce premier opus ! Et ça, c'est
une super nouvelle.
« Elle songea plusieurs fois à changer de direction, à partir vers un nouvel endroit. […] Elle maintint le cap vers Bull Mountain. C'était chez elle. »
Gros coup de cœur pour moi :)
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il est incroyable! Maintenant...c'est malin, on n'a plus qu'à patienter en attendant la suite:-)
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