"Je sais que certains d'entre vous se demandent aujourd'hui: Combien de temps va-t-il falloir attendre? Je viens vous dire cet après-midi que le moment a beau être difficile, l'heure frustrante, ce ne sera plus long, car la vérité piétinée se relèvera bientôt."
« Pour Carter, c'était un drôle de paradoxe de devoir se faire expliquer son Etat natal par une New-Yorkaise, alors qu'il avait vécu là toute sa vie. Il commençait à prendre conscience de tous les préjugés avec lesquels il avait grandi. Autour de lui, il était admis que personne n'était '' responsable '' des souffrances des Noirs du Mississippi, à part les Noirs eux-mêmes, que la ségrégation faisait partie de l'ordre naturel des choses et qu'il était inutile de tenter d'y remédier »
Librement inspiré de l'affaire du « Mississippi
burning », Magic Time revient sur les années de lutte pour
les droits civiques aux Etats Unis et le déchaînement de violences
sordides que ces combats ont dû affronter.
En juin 2005, Edgar Ray Killen, ancien responsable du Ku
Klux Klan était enfin condamné pour avoir commandité l'assassinat
de trois militants pour les droits civiques, 41 ans après les faits.
James Chaney, Andrew Goodman et Michael Schwerner faisaient partie
des centaines de jeunes descendus dans le sud des Etats Unis à l'été
1964 pour aider les citoyens Noirs à s'inscrire sur les listes
électorales. Portés disparus, leurs corps présentant des marques
de lynchage, avaient été retrouvés 44 jours plus tard.
Doug Marlette construit son roman autour de ce drame. En
se servant de Carter, le personnage principal, il alterne le temps de
la narration entre le présent de la réouverture du procès et le
passé des faits.
Carter est journaliste chez New York Examiner. Sa vie a
déjà l'air d'être sens dessus dessous au moment où un attentat à
l'Institut d'Art Moderne suivi par une visite aussi inattendue
qu'éprouvante le mettent KO. Son burn-out l'oblige à rentrer
chercher le repos sur les terres natales, à Troy, Mississippi. Sauf
que.
« Sally avait laissé le Troy Times à côté du lit. Carter lut ce qui concernait la libération de Lacey Hullender. En première page figurait un portrait de Mitchell Ransom vieux de vingt ans, du temps où il avait condamné Hullender à la réclusion à perpétuité. Il y avait une autre photo : la jeune femme du bureau du procureur qui avait rouvert l'affaire. L'article rappelait une fois de plus que Hullender et un autre membre du Ku Klux Klan, Peyton Posey, avaient été emprisonnés alors que Bohannon avait été relâché faute de preuves. Posey était mort derrière les barreaux. Et quand Hullender avait demandé sa libération anticipée, l'Etat avait déclaré qu'il ne s'y opposerait pas, si la commission d'application des peines rendait un avis favorable. »
Comme dans l'affaire de Mississippi Burning, on parle de
la réouverture d'un procès qui, pour des raisons inexpliquées,
n'avait pas poussé jusqu'au bout les recherches et les condamnations
de tous les coupables. Carter en est partie prenante pour deux
raisons : fils du juge qui avait instruit ledit procès et
victime collatérale de l'incendie criminel de l'église qui avait vu
périr quatre activistes.
Magic Time est un écrit de la résilience.
Carter commence par prendre conscience de l'absurdité et de la
violence du milieu dont il est issu – blanc, bourgeois, sudiste –
en commençant à fréquenter le Magic Time, Quartier Général des
activistes militant pour les droits civiques.
Des prémices de rébellion commencent à pointer chez
lui lorsqu'il décide d'abandonner les études de droit auxquelles il
était destiné par sa lignée, pour se consacrer au journalisme.
Magic Time acheva de lui ouvrir les yeux. Grâce à l'amitié
d'Elijah Knight, figure quasi- messianique, activiste coriace et
l'amour de Sarah Solomon, jeune New-Yorkaise venue dans le Sud pour
mettre sa pierre à l'édifice de l'été de la liberté, Carter
Ransom réalisa son passage à l'âge adulte en transgressant le
déterminisme de classe auquel il aurait pu céder.
Résilience encore lorsque 25 ans plus tard il doit
revivre le traumatisme de l'été 1965 pour, cette fois-ci, pouvoir
le dépasser.
« Carter pensa à Sarah, à toutes ces jeunes femmes et ces jeunes gens courageux et lumineux qui étaient venus chez lui, dans le Sud, un siècle après ce conflit meurtrier,[ la Guerre de Sécession ] et qui s'étaient offerts en sacrifice pour une vérité qu'ils estimaient plus importante que leur vie. Des gens qui l'avaient transformé. »
Doug Marlette n'est, malheureusement, plus des nôtres.
D'ailleurs Pat Conroy, l'un de ses meilleurs amis, vient de le
rejoindre.
Magic
Time est son premier roman
traduit en France.
Magic Time, Doug Marlette, Editions du Cherche
Midi 2016, Traduction Karine Lalechère
Publié sur la page des Unwalkers.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire