lundi 27 avril 2015

Ma mère et moi, Brahim METIBA

Chaque livre que nous lisons devient un livre différent une fois la dernière page tournée. Parce qu'à chaque fois il est avalé, digéré et recraché au monde, trempé dans le jus de nos expériences, de nos principes, de nos valeurs, empreint de nous. Le nombre de traductions d'un livre équivaut au nombre de ses lecteurs, je pense... Et il y a des livres qui se prêtent plus que d'autres à ce petit jeu.

En ce qui me concerne, Ma mère et moi de Brahim Metiba en fait partie. 
Comment peut-on, en si peu de pages, en si peu de mots, provoquer un tel séisme? Car chaque mot, chaque page résonnent dans la lectrice que je suis et fait écho à tant d'images, réelles ou fantasmées que je l'ai lu d'une traite. 
M'arrêter, ç'aurait été prendre le risque de ne pas le reprendre, de peur de trop de résonances, trop d'échos... La même peur qui m'a empêchée jusqu'à présent de lire Le livre de ma mère d'Albert Cohen. Peur qu'il me faudra dépasser désormais: lire Ma mère et moi appelle la rencontre avec le livre de Cohen, pour la simple et bonne raison que ce dernier se trouve au centre du récit de Brahim Metiba.

Le narrateur, amoureux des livres, intellectuel, est né et a grandi en Algérie. Il vit en France depuis quatorze ans. Sa mère, en Algérie, aime les histoires, elle les regarde à la télé. Elle ne sait lire, ni écrire. Le fils a besoin de parler, de réunir deux mondes qui n'ont pas lieu d'être séparés. La mère rêve de le voir marié. Avec une musulmane. Il est homosexuel. Le livre d'un auteur juif sera le prétexte pour que les sujets tus jusqu'à présent soient enfin dits.
Et le fils lira à sa mère, tous les jours, un peu d'Albert Cohen. Il parle, elle écoute. 
La distance qui s'installe avec l'âge, il faut la compter puissance mille lorsque l'on vit loin de ses parents et que malgré la langue maternelle, l'entente devient impossible: désormais ils parlent un autre monde.
Elle écoute, il parle. Comprend-elle où il veut en venir? L'approuve-t-elle? A-t-elle besoin d'approuver?





" Je n' habite plus avec ma mère. Il y a quelques années, l'année de mon départ, ma mère a eu l'idée d'installer un portrait de moi au-dessus de la télé. Ma mère est contente d'entendre que la mère d'Albert Cohen fait la même chose avec le portrait de son fils. Elle est également attentive lorsqu'Albert Cohen dit que sa mère vendait ses bijoux pour lui donner de l'argent. Ma mère dit: "Comme moi." "
Ce livre, il va me falloir le relire. Encore et encore. Et je vais l'offrir, encore et encore.

Ma mère et moi, Brahim METIBA, Ed. Mauconduit, 2015

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