samedi 27 août 2016

Un roman incroyable. Une bouche sans personne. Gilles Marchand. Aux Forges de Vulcain

"Une superbe ambiance dans le métro aujourd'hui: les gens chantaient, tapaient dans leurs mains, se serraient dans les bras, dansaient. Des confettis volaient entre les wagons, des couples s'accouplaient, des paralytiques marchaient, des hôtesses de l'air volaient dans les couloirs, un raton lavait, un valet bavait, un abbé badait, un dadais se dandinait d'un air innocent, les mouches volaient à reculons, les journaux étaient imprimés de toutes les couleurs, les balayeurs vidaient les poubelles sur le sol, les contrôleurs remboursaient les billets et le conducteur n'autorisait la descente des passagers qu'entre les stations. En partant, les passagers s'échangeaient leurs numéros de téléphone se promettant de remettre ça sur la ligne 12 le lendemain."
Qu'est-ce que cet ovni littéraire? Un tourbillon qui vous embarque et vous fait passer du rire aux larmes avec la légèreté  d'une brise d'été.
Pari réussi pour ce premier roman de Gilles Marchand (même si je n'en doutais pas, j'avais été déjà conquise par Le Roman de Bolano, écrit à quatre mains avec Eric Bonnargent et paru en 2015 aux Editions du Sonneur... courez l'acheter si vous ne l'avez pas lu!)
Au centre du récit qui nous intéresse aujourd'hui, le jeu et la mémoire. Le jeu, comme dans "jeu de mots": la langue se plie, se déploie, virevolte sous la plume de Gilles Marchand. 
Jeu, comme dans "jeux de l'imagination": sans être un roman fantastique, Une bouche sans personne prend des libertés avec la réalité et lui donne des formes, des couleurs, des odeurs qui tiennent souvent du rêve. On imagine avec bonheur le "terrain de jeu" que l'immeuble, le quartier, la ville sont devenus le temps de raconter l'histoire d'un homme.
Cet homme, celui qui se présente au lecteur avec cette merveilleuse phrase de début, "J'ai un poème et une cicatrice", l'homme-clé, l'homme-conteur est aussi porteur d'une mémoire.
Lorsque le temps est venu de Dire cette mémoire, la poignée d'amis fidèles qui l'écoutaient au départ devient foule au fur et à mesure que l'histoire avance. Nous comprendrons pourquoi en arrivant à la fin. Mais une fois arrivés là nous serons changés. Irrémédiablement changés.
"Poème et cicatrice font partie de moi au même titre que mes jambes, mes bras ou mes omoplates. Je ne me sens pas tenu de les examiner pour savoir qu'ils existent. J'ai seulement appris à essayer de les oublier."
Une bouche sans personne, Gilles Marchand, Editions Aux Forges du Vulcain, Août 2016

Écrit pour le site des Unwalkers


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire