dimanche 26 avril 2015

"Je ne suis pas seulement haineux. J'ai la haine de la haine." Demande et tu recevras




L'Amérique broyeuse de rêves. 
Milo Burke, spectateur de sa vie, "pute" chasseuse de mécènes pour une université new-yorkaise de seconde zone, se retrouve en plein milieu de la tragédie américaine.
Viré pour cause de prise de conscience subite lors d'un échange verbal musclé avec l'une des étudiantes "pourrie gâtée par son père", grand donnateur devant l'éternel - "Ecoute, vieux, sans vouloir être impolie, tu es là pour répondre à mes attentes. Comme dirait mon père: Le client est roi. Et en l'occurence, le client, c'est moi, et la pute, c'est toi. Mais ne va surtout pas croire que je ne te respecte pas en tant que mec; tu fais simplement un job de merde." - il est rappelé par ses supérieurs pour une "demande" particulière.
Pourquoi "Sa Majesté des losers" est-il indispensable à cette demande? Parce qu'il s'agit d'un ancien ami de fac, de beuverie, de défonce, rentier devenu "un capitaliste qui aimait investir dans des placements à haut risque, un philantrope et, accessoirement, une figure mondaine."
La demande de Milo doit aboutir à un gros chèque à l'intention de l'université, signé par la main de son ancien collègue, Purdy. La condition sine qua non pour récupérer son poste.
Le loup? La demande de Purdy, lui-même. Car une demande ne peut aboutir que si la réciproque reçoit une réponse. Le potlach amélioré au goût du jour.
Et la demande du golden boy n'est pas des moindres: installé dans la vie avec la belle Mélinda et attendant un "heureux événement", il voudrait s'assurer que le fruit secret d'un amour ancien, aujourd'hui vétéran d'Irak affublé de prothèses en titane, ne risque pas de provoquer trop de remous dans la vie de papa.
" Ma mission, autant l'appeler comme ça, était décrite succinctement dans une note de Purdy. Il voulait que j'aille porter le fric à son fils, mais surtout que je le sonde, afin de savoir s'il était en train d'ourdir un méga plan macchiavélique ou s'il n'était, comme disait Purdy, qu'un "gamin amoché, paumé et cul-de-jatte (le plus probable)". (...) Voilà ce que Purdy voulait. Telle était sa demande. Faire de moi un maton, celui de son bâtard, mais aussi de ses pensées."



Autant l'intrigue paraît simple, autant le talent incroyable de Lipsyte rend la narration riche et complexe en réussissant à restituer un tableau minutieux du rêve américain maintes fois botoxé, aujourd'hui  moribond et perfusé.

 Le cynisme omni-présent n'est pas dirigé uniquement envers "les autres". Le narrateur lui-même en prend pour son grande et il s'inclut dans le magma puant qu'est devenue la société occidentale. Jusqu'à un certain point. La limite, il la découvrira grâce au périple que cette fameuse demande lui aura imposé.


Encore un sans faute des Editions Monsieur Toussaint Louverture

Demande, et tu recevras, Sam LIPSYTE, avril 2015
Traduction Martine Céleste Desoille

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