jeudi 22 janvier 2015

Houellebecq ou La Dépression Chronique, suite et fin

Pour savoir ce qui fait bander François j'ai choisi de procéder par élimination.


Nous l'aurions compris, la mondialisation, la société de consommation, les médias, tout ça,tout ça, c'est le Mal. La jeunesse aussi ( sauf lorsqu'elle se matérialise en une jolie étudiante sexuellement active et potentiellement réceptive aux besoins élémentaires de son prof ).
La SNCF en prend aussi pour son grade, tous les trains, j'ai l'impression, sont en retard dansce roman.


Pour ce qu'il s'agit de l'altérité en général, les étudiantes chinoises qui suivent son cours sont " d'un sérieux réfrigérant, qui parlaient peu entre elles, et jamais à personne d'autre ". Quelques pages
plus loin, François veut rejoindre sa salle de cours mais " deux Arabes et un Noir, bloquaient l'entrée, aujourd'hui ils n'étaient pas armés et avaient l'air plutôt calmes... " 
Mais concernant l'altérité, les rapports avec son propre entourage sont assez parlants,sans rentrer dans des considérations de type ethnique...


Il est vrai que tout cela a lieu dans un contexte particulier, cet avenir proche où la Fraternité musulmane est en passe de devenir la deuxième plus importante organisation politique de France,derière le Front National. Soit. Il est vrai aussi que Paris est sous l'emprise des batailles rangées ( Salafistes contre Identitaires, cagoules contre cagoules, voitures brûlées en veux- tu, en voilà ) que les médias refusent de couvrir, tant le Gouvernement craint de perdre les élections devant le FN.
Il est vrai que le contexte est sombre, que dis- je, dantesque! A qui la faute? Au désintérêt général face à la politique: " ... je me sentais aussi politisé qu'une serviette de toilette, et c'était sans doute dommage. Il est vrai que, dans ma jeunesse, les élections étaient aussi peu intéressantes que possible; la médiocrité de " l' offre politique " avait de quoi surprendre. (...) La progression de l' extrême droite, depuis, avait rendu la chose un peu plus intéressante en faisant glisser sur les débats le frisson oublié du fascisme... " 
La politique est aussi sympa à regarder qu'un match de foot, il faut que les équipes soient à la hauteur sinon on laisse courrir. Même si c'était une fable ( comme la quatrième de couverture l'affirme ) et qu'il faille la lire au troisième degré, je n'y adhère pas. Ce côté passif qui laisse les choses venir mais qui se trouve en permanence au-dessus de la foule pour dresser le constat d' une catastrophe imminente ne se justifie aucunément.


J' en reviens à la question du début: qu'est-ce qui fait bander François? J'avais entendu un chroniqueur dire ( je n'arrive plus à me souvenir qui c'était! ) que la preuve de la bienveillance de l'auteur se trouve à la fin du bouquin. L'atmosphère s'est allégée, nous ne sommes plus aux prises
avec les angoisses de l'avenir et la terreur de la violence omniprésente. ( Je vous laisse découvrir le pourquoi du comment ). François est bien. Heureux serait un grand, voire un gros mot.
François aime manger, apprécie vraiment la bonne cuisine et d'ailleurs on le retrouve assez souvent à table. Attention, ce n'est pas lui qui cuisine, jamais: cela se passe toujours chez les autres. A son domicile c'est de la livraison ou bien du micro- ondable. Il aime le sexe. Beaucoup. Et dans ses bons
jours il fait tout seul le rapprochement avec la nourriture: " il en allait des sites d' escorts un peu comme des guides gastronomiques, où la description, d' un lyrisme remarquable, des plats à la carte, laissait entrevoir des délices bien supérieurs à ceux qui étaient en fin de compte éprouvés. "
Il aime fumer et il aime l'alcool. On s'en doutait.
Et il aime par dessus tout être rassuré en tant que " mâle dominant". La perspective de recevoir en cadeau jusqu' à trois épouses correspondant à son nouveau statut ne peut qu' " alléger " l' atmosphère donc.


Si Houellebecq avait voulu décrire Monsieur Tout- le -Monde, le beauf universel, pourquoi toutes ces envollées philosophiques, pourquoi faire dans le prosélytisme intellectuel? Spécialiste de Huysmans, le narrateur est réfractaire à toute forme de remise en question alors que chez son auteur préféré, son " ami ", la remise en question est le fil rouge de sa vie et de son oeuvre.
Malgré ses complaintes incessantes, François s'aime, c'est sa propre personne qui le fait bander.
Mais cela n' engage que moi.


A tous ceux qui ont fait référence à 1984 le George Orwell pour expliquer Soumission, je tiens à rappeler que le personnage d' Orwell était un combattant et non pas " une serviette de toilette ".



" Soumission", Michel Houellebecq, Flammarion, 2015


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