dimanche 14 août 2016

Superbe Guy Boley, Fils du feu, Grasset août 2016

 

" Les petits riens aux petits riens s'additionnent, faisant mourir les mondes, périr les civilisations: on tourne en rond avec l'automobile comme tournent les moines sur le pavé des cloîtres, on pilonne des livres en massacrant les mots derrière le noir et le blanc d'un écran télé qui a cependant l'élégance de se nommer encore Radiotélévision, histoire de faire croire que la parole est reine, alors qu'elle est déjà condamnée, mise en joue par ces réclames naïves, aux tons pastel, qui deviendront de la pub et régiront le monde."
Il est difficile d'écrire en marge d'un texte si beau et si puissant: la langue de Guy Boley est non seulement poétique, incantatoire, mais elle bouleverse aussi à travers quantité d'émotions qu'elle fait surgir entre les lignes.

Retour sur une enfance, sur une famille amputée; sur l'apprentissage de la mort, de l'amour, du désir. 

Fils du feu, il n'en restera qu'un. Le cadet, emporté par la maladie, continuera à grandir dans les yeux de la mère. Elle s'obstine à le retenir parmi eux en lui servant tous les soirs le repas, en lui emménageant une nouvelle chambre au grenier, en répétant les leçons du soir auprès d'une chaise vide.
Le narrateur, enfant survivant, n'a de choix que d'accompagner la mère dans ses fantasmes; le père baisse les bras.

Toile de fond de l'enfance, l'avènement des "trente glorieuses", époque charnière qui vît tant et tant de métiers agoniser et mourir. 
Le métier de forgeron, par exemple. Que fera le père de cet autre deuil?

Dans Fils du feu, des mères orphelines, des frères survivants, des pères tenus à jouer leur rôle, des printemps somptueux, des époques qui se dissipent.
Des lavandières, un énorme, un grand amour pour une statue grecque vivante. 
Du linge qui sèche au soleil, des grenouilles ébouillantées.
De la folie, de la tristesse, de la résignation, de la résilience.
De l'amour.
De la vie.

" Riez comme un goret, riez comme une crécelle, riez comme une folle puisque votre fils est mort. Il faut bien que toutes les horreurs du monde enfantent des printemps si nous voulons durer au-delà du chagrin."

Fils du feu, Guy Boley, Grasset, 24 août 2016

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