dimanche 5 juin 2016

Ca se passe dans le Périgord! Les amants maudits de Dorliac, Martial Maury



"Comme dans nombre de villages, ou plutôt comme dans toute communauté humaine, on saisit le moindre prétexte pour se disputer. Dans les villages de campagne, les occasions ne manquent pas. La vie rurale est pleine de ressources en la matière. Animaux déambulant dans les cultures du voisin, bornages des terrains contestés, regards appuyés de l'un sur une mariée ou promise engendrent querelles. Comme l'on est par nature économe dans les campagnes, comme l'on aime pas gâcher, une bonne querelle ne s'éteint pas rapidement. Les protagonistes la font durer, la relancent et elle peut ainsi s'étaler sur quelques années, voire, pour les plus consistantes, ou les mieux entretenues, des générations. Certaines disputes se transmettent de père en fils, de mère en fille en patrimoine."
Ce qui est formidable avec le roman dit "régional" c'est qu'il soit universel. Peu importe où l'intrigue se déroule, on y trouvera bien souvent l'amour, la terre (en tant que possession), la vengeance, la famille, des items qui dans un espace restreint (tel le village) finissent par donner naissance à des tragédies. En ville ils pourraient être noyés dans le flux continu des événements. La campagne, en revanche, leur permet non seulement de s'épanouir mais aussi de faire participer toute la population présente.

Les amants maudits de Dorliac n'échappe pas à la règle: tout commence par un trio amoureux, une histoire de passion donc. Au début du vingtième siècle, Scipion et Horace aiment Violette. Elle aime les deux. Elle en épousera un seul. Classique, direz-vous. Sans doute. Le talent de conteur de Martial Maury vous empêche malgré tout de reposer le bouquin. Et c'est l'essentiel. Parce que, voyez-vous, cette histoire d'amour malheureuse porte son écho jusqu'à nos jours. Et l'écho prend la forme d'un corbeau qui arrose les habitants de ce village du Périgord par une missive énigmatique:
" J'accuse! Georges Moulis m'a tuer! En subventionnant l'association étrangère le Clou du spectacle pour Le Populaire, il m'a assassiné de nouveau! Le crime paie car il va toucher des sous pour ça!
Scipion"
Commence alors une narration rythmée par deux temporalités, le présent d'Antonin, le journaliste enquêtant  en marge de cette histoire de corbeau qui met en péril le maire du village et le passé de Scipion, Horace et Violette dont les ombres hantent encore les rues de Dorliac. 
C'est passionnant! D'abord parce que le passé est semé par les évènements extérieurs au village: la Grande Guerre et ses conséquences, l'exode des Italiens devant la montée des Chemises Noires, les revendications du Front Populaire, des fines touches d'histoire qui permettent au lecteur de mieux saisir l'ambiance et les mentalités de l'époque.
Un autre personnage du passé qui pèse lourd dans le récit est Le Populaire: le cinéma que Scipion a voulu installer à Dorliac, son plus grand amour pour lequel il a été prêt à tout, vraiment tout.

Chaque fin de chapitre est une invitation à poursuivre la lecture, plus vous avancerez et plus vous voudrez savoir qui est ce sacré corbeau. D'autant plus qu'Antonin, le journaliste, est très attachant et que vous souhaitez pour lui un super article à la une de l'Hebdo du Périgord Pourpre
J'ai passé un très bon moment de lecture dans ce coin du Périgord, l'auteur vous balade avec une facilité déconcertante et ne vous lâche jamais la main.
J'aurais seulement aimé que les correcteurs fassent leur boulot "correctement": c'est vraiment dommage d'abimer un récit qui tient sa promesse du début à la fin.
Alors, pour les vacances d'été, en Périgord ou ailleurs, embarquez Les amants maudits de Dorliac, vous ne serez pas déçus!


 


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