mercredi 3 août 2016

The Girls, Emma Cline: désormais il faudra compter avec! Avant-Première rentrée littéraire 2016


"Evidemment, les filles n'ont pas quitté le ranch: on peut supporter un tas de choses. A neuf ans, je m'étais cassé le poignet en tombant d'une balançoire. Le choc du craquement, la douleur aveuglante. Et pourtant, malgré mon poignet qui enflait, et la manchette de sang prisonnier, j'affirmais que ça allait, que ce n'était rien, et mes parents m'avaient crue, jusqu'à ce que le médecin leur montre, sur les radios, les os cassés net."

Evie Boyd occupe pendant quelques semaines la maison d'un ami. Les souvenirs ne l'ont jamais quittée mais cette fois-ci, une rencontre fortuite les fait ressurgir  avec plus de violence que d'habitude. 
L'été de ses quatorze ans, Evie embrasse avec passion la "famille Russel", nom derrière lequel se cache la sulfureuse figure de Charles Manson. Et c'est l'histoire d' Evie qu' Emma Cline a choisi de nous raconter par le biais de cet horrible fait divers devenu l'un des "symboles de la pop-culture" qui a fait couler le plus d'encre et inspiré pléthore d'artistes.
Evie tombe en amour devant ce groupe de jeunes qui font fi de toute règle or loi. Elle se pâme devant une jeune femme aperçue fugitivement dans un parc, "une impression surnaturelle flottait autour d'elle et une robe à smocks sale couvrait à peine son cul." L'inconnue et ses deux amies évoluaient parmi les autres "aussi racées et inconscientes que des requins qui fendent les flots."

Si vous êtes en recherche de sensations fortes, descriptions malsaines  ou si vous voulez jouer à "voyons un massacre sordide comme si nous étions sur place", passez votre chemin et lisez plutôt California Girls de Simon Liberati.

Rien de tout cela chez Emma Cline: ce qui l'intéresse, elle, c'est le parcours d'une adolescente, parmi d'autres, irrésistiblement attirée par une communauté qui semble faire plus de sens, à ses yeux, que la vie qu'elle mène auprès de sa mère. 

14 ans, le moment où l'enfant passe de l'autre côté du miroir et se retrouve jeune femme, sans vraiment savoir ce que cela signifie. Si les gardes-fou sont solides autour d'elle, la jeune femme peut dépasser ce moment sans trop de dégâts. Lorsque, en revanche, les gardes-fou ont sauté, elle cherchera réconfort et sécurité ailleurs. Elle apprendra sur le tas, en y laissant des plumes. 
"Je voulais m'entendre dire ce qu'il y avait de bien chez moi. Plus tard, je me demandai si c'était pour ça qu'il y avait beaucoup plus de femmes que d'hommes au ranch. Tout ce temps consacré à me préparer, à lire des articles qui m'apprenaient que la vie n'était en réalité qu'une salle d'attente, jusqu'à ce que quelqu'un vous remarque, les garçons l'avait consacré à devenir eux-mêmes."
A travers l'histoire d' Evie, l'histoire de l'adolescence. 
Elle rejoint Russel et sa bande mais elle aurait pu se jeter aveuglement au sein de n'importe quelle autre secte, n'importe quelle autre lutte pour peu qu'on lui eût signifié son importance en tant qu'individu à part entière. 
En cela son histoire est universelle et c'est le tour de force que réalise Emma Cline avec The Girls: en partant d'un fait divers rendu mythique par la fascination collective, l'auteur recentre le récit sur l' individuel, ses motivations, ses fêlures.

The Girls, puissant, dérangeant, beau: à mettre entre toutes les mains y compris celles de vos ados.

The Girls, Emma Cline, Traduction par Jean Esch, Editions de la Table Ronde. Parution le 25 août 2016


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