dimanche 3 juillet 2016

Homo Homini Lupus, Dedans ce sont des loups, Stéphane Jolibert


« L'enneigeant aussi profondément qu'il le pouvait malgré le gel, Nats avait imaginé son errance, la faim omniprésente, la lente agonie qui s'était ensuivie. Il regretta de ne pas avoir rempli davantage la gamelle qu'il laissait devant sa porte, puis il se ravisa, refoula les regrets. Il n'aurait fait que rallonger son sursis et le priver de cette liberté si chère à l'espèce, le rendant dépendant d'autrui.
Achevant sa funèbre besogne, Nats eut le sentiment que plus jamais il n'aurait l'occasion de voir l'un de ceux-là courir la plaine.
Bientôt, ne resteraient que des hommes.
Le monde dans ce qu'il avait de pire. »

Si le milieu est hostile c'est parce que les loups l'ont déserté.
Dans ce coin du monde, volontairement oublié de tous, il n'y a – à quelques exceptions près - que les criminels et les crapules qui y cherchent un abri. Nous sommes loin, au nord, il est rare que la neige cesse de tomber.
L'existence des habitants tourne autour du Terminus, immense cœur pompant de la gnôle maison. A la fois bar, bordel, station service et super-marché, il concentre toutes les pulsions humaines, y compris l'inextinguible soif de violence.

Voilà pour l'ambiance de ce roman noir, froid et … magnifique !

S'ensuivent les personnages : Tom, Nats, Sarah, Sean, Leïla, l'Irlandais, Twigs la levrette, qui prennent corps au fil des pages, au gré des digressions temporelles au cœur de la narration, au hasard des rencontres...
En terre des loups, les sentiments qui les animent sont essentiellement humains : le désir de vengeance, le désir de domination, le désir tout court. Mais aussi l'amour, la quête d'identité, la bienveillance, le partage.
Dedans ce sont des loups est l'un des romans qui m'ont le plus touchée cette année. Autant par l'histoire qui porte le lecteur dès la première page, par les personnages archétypaux qui jouent leur partition avec une précision sans faille, que par le style fluide, l'écriture parfois musicale qui réussit à adoucir même les passages les plus abrasifs de violence.
Immanquable. Vraiment.
« La salle grondait de colère, gueulait qu'elle s'était fait avoir, flouer, menaçait de tout casser, et ni la présence de Sean ni celle de Maarten ne parvenaient à la calmer. Pas davantage le fusil à canon scié que l'Irlandais, debout sur le comptoir, pointait sur le premier rang, et encore moins la promesse que les paris seraient remboursés. La salle exigeait son dû de violence et de chair tandis que Nats descendait les dernières marches de l'escalier du Terminus. »

Dedans ce sont des loups, Stéphane Jolibert, Editions du Masque, 2016


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