mercredi 26 août 2015

La Pire. Personne. Au monde. Une rentrée 2015 hilarante chez le Diable Vauvert



La rentrée littéraire 2015 est très riche et nombreux sont les livres qui donnent envie. Nombreux seront aussi, je pense, les banquiers qui pousseront des hurlements de rage devant les achats compulsifs de leurs clients mordus de lecture. Pour vous aider à construire des reparties dignes du cynisme ambiant et qui fassent mouche lors d'une éventuelle rencontre pour "faire le point" face à un banquier aigri et obtus: La pire. Personne. Au monde. par Douglas Coupland, paru Au Diable Vauvert en ce mois d'août 2015. Imbattable.
Autant vous prévenir: côtoyer Raymond Gunt pendant 357 pages ce n'est pas de tout repos. Cela peut même s'avérer éreintant. Mais qu'est-ce qu'on se marre!
" Voyez vous... Je sais que dans notre culture les bombes atomiques ont une sale réputation - les radiations, l'hiver nucléaire, les exctinctions massives, les petites têtes de poupées tristes couvertes de poussières noires le long des caniveaux. N'empêche qu'en voir une exploser en vrai, c'est carrément fantastique. Oui. Vraiment. Je ne l'aurais pas cru si je n'en avais pas fait moi-même l'expérience, tout en grignotant des crackers et en dégustant une eau minérale Pure Life alors que notre avion volait en cercles autour d'une gigantesque et fulgurante boule de feu de quinze kilotonnes et que Neal m'indiquait des petites tâches scintillantes à la surface de l'océan où des déchets plastiques ultradenses dérivaient, dans le respect écologique de l'environnement et pour un plus beau lendemain.
Oui, oui, je sais. Je sais. Les armes atomiques. Les petits chatons calcinés. Les bonnes soeurs vaporisées. Le désastre économique. Mais quand même... quel putain de spectacle! "
Voilà donc Raymond Gunt, narrateur malmené par une cohorte de dieux vraisemblablement très en colère. Cameraman raté, Raymond pense avoir touché le gros lot lorsque son ex-femme le fait embaucher sur la production d'une émission de télé-réalité américaine (Survival). Il va donc quitter Londres la morne et il a même droit à un esclave assistant personnel qui l'accompagnera aux îles Kiribati, dans le Pacifique. 
Sauf que Raymond n'a pas d'amis, pas de potes, pas de proches. En guise d'esclave assistant personnel il devra se résoudre à emmener Neal. Un mendiant briseur de coeurs féminins tout droit sorti des années '80:
"Il était cramoisi, un peu plus large que moi, vêtu de haillons graisseux arrangés dans un style qu'on aurait pu identifier Duran Duran en 1982 mais qui, trente ans plus tard, sous une constellation d'excréments, de mégots de cigarettes bon marché et d'éclaboussures de bouffe en boîte, constituaient un centre d'élevage de mites assez terrifiant."
Inutile de vous dire que rien ne se passera comme prévu. Le rythme effréné avec lequel Douglas Coupland fait dévaler toutes les pentes possibles et imaginables à son personnage, nous ferait presque de la peine. S'il ne s'agissait de La Pire. Personne. Au monde.
Le cynisme de Raymond n'est égalé que par son intolérence et son égoïsme. Anti-héros attachant malgré tout, il s'obstine à poursuivre son rêve peuplé de seins, de fesses et d'alcool et ce n'est pas un cadavre par ci, un choc anaphylactique par là qui vont l'arrêter.
"Chers Les Dieux,
C'est quoi votre problème, merde?!
Bien à vous,
Raymond Gunt"
Il est certain que tout le monde n'aimera pas cet humour ô combien trash. Par conséquent il ne faut pas mettre ce roman entre toutes les mains. En revanche, si vous n'êtes pas susceptible et que vous avez envie de vous payer une bonne tranche de rigolade, allez-y! Ici pas de message subliminal, pas de morale qui appelle la remise en question, juste le périple burlesque d'un loser d'un continent à l'autre, des dialogues absurdes et un grincement constant en toile de fond...


La Pire. Personne. Au monde., Douglas Coupland, Editions Au Diable Vauvert 2015, Traduction Walter Gripp

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